Découverte Péruvienne: Le chemin de l'Inca
06.09.08
Une randonnée de montagne abordable pour les amateurs d'efforts, un « trekking » inoubliable le plus couru d'Amérique du sud, dont la difficulté est loin de tarir d'envie les milliers de touristes venues du monde entier pour le fouler. Pour atteindre sans se « fouler » le Machu Picchu terminus de l'aventure aprés un périple de plusieurs jours en haute altitude d'autres moyens modernes et plus performant que la marche à pied s'offrent à l'aventurier désireux du moindre effort ou dont les capacités physiques et l'état de santé ne sont pas appropriés.
Ce haut lieu du tourisme Péruvien est classé patrimoine culturel mondial de l'humanité par l'Unesco. Depuis 1981 tout son bassin environnant est protégé dans le cadre de création du parc national. Un énorme engouement touristique que ce site à tel point que le haut plateau de cette « cité sacré du soleil » est comparable aux heures d'affluence à la place saint Marc de Venise .....les canaux en moins! Il y a seulement quelques simples rigoles. Victime de son succes « la vieille montagne » ( machu picchu en « quéchuan » dialecte indien) est surveillée de trés prés par les scientifiques locaux. Ce site subirait le contrecoup de l'usure du temps, de l'érosion active à cette altitude, de tassements de terrain dans une zone sismique réputée sujette à de fréquentes activités.
Pour les aventuriers coiffés du traditionnel bonnet Péruvien marchandé sur les étals de marché à Cuzco, l'ancienne capitale Inca, il leur reste avant de fouler le chemin des obligations matérielles et administratives à remplir. Thème abordé en fin du présent article car je sens impatients mes lecteurs à entrer non dans la danse ( à cause de la musique ) mais dans la longue marche! Ce raid d'une durée globale de 4 jours fera l'objet de 2 articles. En cours de lecture les 2 premiers jours menant de Piscacucho à Pakay Mayu. Lisez, regardez, écoutez ( En accompagnement musical une interprétation locale en live du célèbre : « The sounds of silence » Excusez le bruit de fond ! ) A la fin du récit vous fermerez les yeux peut être, comme pour ne pas laisser échapper une sensation fugace de dépaysement total. C'est sans doute le signe que la mayonnaise d'une balade virtuelle dans la cordillère des Andes aura bien pris ....
Etape premier jour: Piscacucho / Wayllabamba (Altitudes départ: 2600m/ arrivée: 2950m) Parcours de 13 km de marche
Descente du train à la station de Piscaccucho « les cinq montagnes » sur la ligne Cuzco /Agua Calientes (station thermale) à 82 km de Cuzco. Un panneau au bord de la voie signale un des 3 points de départ du « Camino Inca ou Inca Trail ». (Les deux autres étant situés au Km 88 , et Km104 où une nacelle individuelle type Tyrolienne sur cable suspendu permet le franchissement de la rivière par la voie des airs)
Une rampe descendant le long de la rivière Urubamba mène le groupe au « Check point ». Passage obligé avant le pont suspendu type piétonnier dont l'accés est juxtaposé sur la gauche. Une sorte de cabane en bois à toit de chaume à 2 pentes constitue la « caseta de control ». Un grand panneau bois à fond bleu habille le pignon: « Welcome to Inka Trail ». Un autre panneau incliné suspendu sous la charpente surplombe la file d'attente aux guichets. Un tracé peint à la main détaillle telle une B.D les points principaux de campements et de découvertes des vestiges Incas tout au long du parcours.
Traversée sur un simple platelage de bois de la rivière qui irrigue la « vallée sacrée ». Sensation de quitter le monde moderne avec ce franchissement au dessus des eaux vertes qui tourbillonnent. La protection latérale assurée par un simple grillage en alu plus ou moins disloquée accentue l'entrée dans un monde nouveau où le randonneur est devenu un otage pendant 4 jours . Sans se préoccuper de feux rouges, de passages cloutés, de klaxons, de nuisances sonores et olfactives .
Le chemin de terre au départ est assez large. Une végétation du type semi désertique habille l'environnement. Les bouquets d'Eucalyptus essayent de faire la loi dans un environnement hostile. Buissons d'épineux, herbes sèches, yuccas et cactées y prospèrent. Des cactus type « cierge » s'élèvent juqu'à 5 à 6m de hauteur voulant imiter des candélabres d'éclairage . L'air vif ne va plus être bientôt qu'un souvenir car le soleil matinal est plutôt prompt à s'échauffer en cette saison sèche la plus propice à cette grande randonnée de montagne.
Un petit hameau aux paillottes typiques qui se collent au chemin surgit : Wilkatançay. Encore un des rares lieux habités avant le dernier village d'altitude de Wayllabamba point de chute pour la première nuit en bivouac organisé. Les quelques habitants y tiennent une « ventas » proposant boissons et victuailles de secours aux touristes. Une corde à linge plie sous le poids de lainages aux vives couleurs. Quelques teintes chantantes pour donner un peu de gaité à de tristes masures aux facades trop pauvres et ternes.
Le chemin serpente en s'élevant insensiblement. Dans un vallon un troupeau de chevaux en liberté semble oublié des hommes. Pour éviter un avenir de solitude ils ne manquent pas d'agiter leur queue touffue comme pour se signaler en permanence. Arrivée à un promontoire où s'exprime une vue panoramique dans toute sa splendeur et sans artifices. En contrebas la rivière y reçoit en grande pompe sur sa rive droite un émissaire le rio Kusichaka, descendu prestement des contreforts de la cordillère où émergent les cimes enneigées des pics de Villabamba et le Salçantay dépassant les 6000m. Le chemin conduisant au premier bivouac va le remonter patiemment. En contrebas trône les ruines caractéristiques par la forme semi circulaire d'une cité Inca découverte aprés le site du Machu Picchu: Celles de Llactapata. Au sommet des typiques terrasses étagées en gradin s'élevait la cité qui controlait l'accés à la vallée sacrée. Murailles et pignons de constructions sont les seuls vestiges visibles de loin, dégagés au siècle dernier d'une gangue de végétation !
La poursuite du parcours incline à remonter suivant le ravin encaissé où se défile le rio Kusichaka à main droite. On rencontre des ruines Inca un poste de guet Quiswarpata. Désert à part un âne qui y assure l'entretien en tondant naturellement la pelouse des abords. Le chemin de terre large du départ laisse la place à des tronçons empierrés et plus étroits rendant le parcours plus périlleux. le grondement du torrent invisible à cause de l'abondante végétation laisse présager que ce dernier doit «faire sa soupe » à grands renforts de court-bouillons. La vapeur en remonte faisant frissonner les frêles ramures. Heureux secours de la nature car en cas de glissades ou chutes il reste le mince espoir de pouvoir s'accrocher aux branches avant d'aller se tremper les pieds dans le meilleur des cas. L' observateur à l'esprit aiguisé ne manquera pas de relever en ces zônes de danger l'ingéniosité du concepteur Inca de ces voies il y a plusieurs siècles. Sur la rive de circulation exposée au bord du vide, de larges dalles de pierre assurent par leur aisance d'assise une meilleure stabilité et pérennité du chemin face à l'érosion du terrain dans le temps.
Des bruits de sabots sur les pierres montent de l'arrière du groupe qui commence à s'effilocher lentement par le phénomène naturel d'usure. C'est un rare convoi qui nous double composé de 3 chevaux chargés comme des mules suivi de leur guide. C'est Le seul type possible de commerce ambulant dans les Andes. Il est destiné au ravitaillement en produits de première nécessité de notre village de bivouac.
Il y a longtemps que notre dizaine de porteurs a pris la poudre d'escampette prenant les devants pour des raisons pratiques. Leur raison de cette fuite en avant est liée au souci d'établir le campement au plus tôt bien avant l'arrivée des premiers randonneurs. C'est un vrai spectacle que de voir ces « sherpas » des Andes parcourir à une allure folle preque au pas de course le parcours malgré leur charge de 20 à 25 kg sur le dos. De plus à leur aptitude à vivre à ces altitudes d'ordre génétique, ils ajoutent de par leur travail un entrainement constant qui les rend performant dans cette épreuve.
Ces «forçats » des chemins d'altitude m'inspirent de la pitié. Souvent exploités par des agences organisatrices de ces expéditions rêglementées sur le chemin de l'inca , ils arpentent à vive allure vêtus chichement avec pour chaussures de pauvres sandales de cuir à brides dont le «compteur» de marche ferait rougir la plupart des randonneurs venus du monde entier pour montrer souvent de belles chaussures à haute tige et riches en crampons, dernier cri des recherches sportives en la matière.....mais un peu trop neuves ce dont se souviendra longtemps de séquelles cuisantes le randonneur amateur novice et peu renseigné sur les précautions à observer en ce domaine. La nuit au bivouac il n'aura pas besoin d'allumer sa lampe torche frontale sous la tente car il aura à sa disposition, à défaut de clair de lune, éventuellement assez d'ampoules .....aux pieds! ( Ce n'est pas trop risible d'en souffrir !).
Pour le parcours les porteurs du groupe sont les seuls à ne pas utiliser de batons. L'usage de cette équipement accessoire est aussi règlementé: Ne sont plus autorisés les batons de ski sauf si leur extrémité est protégée par un embout plastique ou une protection de caoutchouc: Prévention contre les perforations accidentelles des usagers et pour le maintien du passage en bon état évitant les multiples coups de poiçons et une dégradation de surface trop rapide.
Enfin aprés 5 à 6 h de marche pas trop difficile apparait dans le berceau d'un petit vallon sur la droite, émergeant des touffes de végétation les toitures des constructions disparates de notre premier site de campement pour la nuit. Une aire de camping est aménagée en bordure du village. plusieurs redans se superposent dans la plateforme de terrain. Des champs de maîs encerclent un petit village de toiles qui tout les jours se fait et se défait. Les tentes individuelles sont de même couleur pour tous les membres d'un groupe. ( Ce qui facilitent le repérage individuel à chaque bivouac dans le désordre d'arrivée où souvent les multuples groupes arrivent dans un désordre naturel où la forme physique a prévalu !). Pour certains selon les cas possibles de saturation, le site de bivouac est organisé plus haut sur le chemin du col à une distance de 1,6 km à Llullupampa dans un vallon verdoyant où chantent 2 ruisseaux aux eaux cristallines.
A côté de la vingtaine de tentes individuelles type Igloo , se trouvent 2 grandes tentes à usage collectif pour la prise des repas. Tout proche une tente verte plus réduite se signale par une effervescence particulière : 2 cuisiniers s'affairent pour le repas chaud du soir au milieu de bidons, marmites et contenants divers. Quelques poules du village se poursuivent à cause de déchets de légumes prestement prélevés des abords de cette cuisine de campagne. Un pauvre dindon essaye vainement par sa queue emplumée largement déployée d'attirer leur attention. Il en est pour ses frais ! Profitons de la douceur du soir avant la fraicheur piquante de la nuit pour visiter le village constitué de groupes de hameaux. Une hutte au toit de paille sert de lieu ouvert aux rassemblements et aux échanges. Sur le pourtour une planche de bois fait office de banc. Les parcelles de culture sont encloses. Mais, tournesol, pommes de terre, courges composent les cultures .De rustiques barrières conçues en branches entrelacèes marquent les limites individuelles et barrent l'accés aux animaux souvent en pacage en liberté comme quelques vaches qui flanent aux abords.
Au droit d'un portail bancal qui tient par sa fermeture poussent quelques pieds arbustifs d'une plante devenue l'emblême du Pérou: La Cantuta, fleur sacrée des Incas. Ces fleurs en grappes ressemblent par leur forme tubulaire pendante à des cloches selon divers coloris:rouge ou jaune. Une tradition indienne persiste dans les enterrements : Dans la fosse du défunt une fleur est jetée car elle a le pouvoir d'étancher la soif des disparus ! Autre emploi de la Cantuta pour la teinture des tissages indiens aux célèbres motifs à chevrons. Elle y apporte sa lumineuse couleur jaune.
Grâce à la complicité d'un porteur qui a une connaissance implantée localement découvrons sans curiosité malsaine un cadre de vie typique d'un paysan de montagne. Eduardo nous ouvrre sa porte sur une simple pièce principale. Des clous et crochets retiennent pendus au mur de parpaings divers ustensiles le minimum indispensable à une cuisine frustre. Dans l'épaisseur du mur quelques niches servent de rangements. Une caisse de carton ouverte en assure l' habillage dans laquelle se serrent tasses, vaisselle, biberon. Le long du mur un rudimentaire canapé local construit avec les matériaux du cru. Une assise de bois qui reçoit comme simple matelas des peaux de moutons brutes et en recouvrement les couvertures traditionnelles des andes faites maison. Sous la banquette l'espace libre sert de cage à une famille de cochons d'Inde. Un treillis de bambous horizontaux en assure l'illusoire fermeture en façade inférieure du bat-flanc, car le portillon étant ouvert quelques jeunes animaux crapahutent gaiement sur le sol de terre battue sous le regard de 2 chats postés comme des guetteurs sur l'appui de baie.
Finissons la flanerie dans ce village par la découverte du « supermercado » local. A l'angle d'une ruelle sur le pignon dont l'enduit ocre a été refait sur la moitié inférieure pour servir de panneau publicitaire se détachent dans l'encadrement de la fenêtre des échantillons de diverses boissons : Eau minérale, Pepsi, Jus de fruit, bière locale. Au dessus une inscription peinte se détache: « We repair any shoes ». On devine aisi que l'épicier est aussi un peu cordonnier de fortune pour assurer les dépannages dans les semelles organe crucial pour la poursuite de l'aventure. Une autre mention manuscrite en partie basse révèle l'adaptation de cette caverne d'Ali Baba aux usages simplistes du commerce mondial avec la vague des cartes de crédit qui avance jusque dans les hauts plateaux de la cordillère des Andes: « We accept Visa et Master Card ».
Aprés le revigorant repas chaud les randonneurs épuisés souvent levés de trés bonne heure 4 ou 5 h du matin ne demandent pas à veiller en se retirant sous la toile juste isolante de l'humidité. Déjà le soleil est tombé derrière la montagne laissant le froid sournois prendre le dessus. Sur le bruit de fond du torrent qui inlassablement fait sa lessive d'écume, un seul bruit se détache d'une basse cour prôche dont les volailles sont déjà haut perchées. Des grognements rauques signalant que chez les animaux c'est toujours le gros cochon qui est le dernier couché.....
Ajout du 08.09.08
Deuxième journée : Wayllabamba / Pakay Mayu (altitude départ :3000 m /arrivée : 3600m )
Levé de bon matin! Une journée difficile car sur les 16 km à parcourir un col se profile comme le juge de paix du raid siégeant sur son trône de 4150m de hauteur.De bonne heure le soleil se cogne de plein fouet sur la muraille rocheuse qui à l'ouest ferme le vallon .Le rio Kusichaka couvre de son grondement permanent le timide glousssement des poules frigorifiées, les premières levées pour leur quête journalière de limaçons. Dans les tentes de restauration les tables alignées en 2 files sont déjà dressées pour le petit déjeuner. Un moment réconfortant où la dizaine de randonneurs se retrouve réunie pour une des rares fois de la journée. Aprés chacun chemine à son allure et le groupe du départ ne se resoudera que pour repas du soir ! Connaissance d'un baroudeur Néo-Zélandais qui entreprend le périple des 2 continents Américains: Du Canada à l'Argentine .....En stop !
Un paysage splendide se réveille dans l'air frisquet.Le chemin montant serpente dans un espace forestier longeant un torrent qui joue à saute mouton avec les rochers perdus dans son lit.on a dépassé l'aire annexe de Llulluchapampa et ses prairies verdoyantes . Le ruisseau chantant le Llullucha y prend ses aises en ondulant des hanches avant plus en aval de prendre de l'élan pour prendre le « train en marche » celui du rio vers la vallée sacrée..La forêt est type amazonienne.Sous la voute verte le soleil a du mal à déranger la pénombre . Environnement dévolu à la végétation exubérante: Fougères , plantes exotiques aux larges feuilles comme des soucoupes volantes, lianes échevelées se disputent la place .Les arbres aux troncs noueux se tordent pour mieux exposer au soleil leur ramure. La présence de lichens est le signe infaillible d'une pureté garantie de l'air . Mais fallait il en douter dans ces contrées d'altitude sauvages où le condor rempli d'office le rôle attentif du « ramassage des ordures »
La progression sous le couvert végétal est en entrée comme du gateau ! Attendons de voir si à l'arrivée pour dessert sera servi « la soupe à la grimace ». Seuls quelques détritus jetés malgré toutes recommandations par des personnes incontrolables qui doivent vivre à l'année bien au chaud dans un enclos aseptisé, peuvent autant polluer l'environnemment que le décor ! Déjà nos porteurs ont prestement plié le bivouac et nous dépassent à fière allure . Non content de marcher vite dans la zone forestière ils trouvent le moyen de trouver des racourccis dans les bosquets lorsque l'embouteillage menace leur allure.Le franchissement de pontons de bois s'avèret glissant lorsque à proximité immédiate de cet ouvrage se trouve une cascade apportant sa vapeur d'eau gluante au rustique platelage de rondins de bois.
Le cheminement se poursuit dans des espaces où bientôt la transition vers un environnement aride se profile. Aux riants vallons et prairies grasses et humides comme la zône secondaire de camp de LLuluchampapa à 1,6 km de Wayllabamba ( 3600m d'altitude ) succède le domaine désertique d'herbe rase et de rochers affleurants de la « Puna ». Soudain se profile dans la lumière sans obstacle l'ouverture d'un long défilé en forme d'auge qui dégage la vue jusqu'au premier col de Warmiwanusca, le plus haut franchissement du parcours.
Le soleil matinal déjà vigoureux chauffe à blanc les piedras (pierres) . Dans ce changement radical d'aire de végetation où domine le monde minéral, persiste à pousser malgré les vents violents les touffes d'herbes et de maigres buissons qui s'accrochent à la pente de plus en plus raide .Ce nom : Warmiwanusca ,en quechuan « femme morte », laisse présager que son franchissement n'est pas de tout repos. Le désagrément du vent sec est un signe favorable en l'absence de nuages: assurance de poursuivre son chemin avec une vision dégagée.
Mauvais temps pour les moindres nappes de brume qui voudraient s'assoupir sur les cimes . Avant d'atteindre « l'abra » ou col, nous devons avaler et plus ou moins bien digérer pentes raides et poussières, désagréments de la haute montagne. La pierraille commence à jouer son rôle de réflecteur de chaleur accentuant le sentiment de malaise. Heureusement l'ingeniosité de l'Inca a laissé sa patte bénéfique par l'aménagement des tronçons les plus raides .Des degrés taillés dans le sol avec des nez de marche en pierre, parmi les plus hauts escaliers du monde ! Cette zône hostile et pentue était connue au 18° siècle comme passage préférentiel des contrebandiers entre le Pérou et la Bolivie. Au bout de 4 h de marche éprouvante où les pauses furent nombreuses et sources de sagesse pour la bonne récupération sans « entrer dans le rouge » ( car le soleil y pourvoyait déjà ) le replat d'une aire réduite constituant le passage du col s'offre enfin aux chevilles traumatisées.
Quelques terrasses aménagées pour le repos permettent aux esclaves du chemin de poser leurs fesses en appréciant le riche panorama Andin . Au loin en contrebas dans une niche vallonée de teinte bleutée, le lieu du récent bivouac semble assoupi avnt l'arrivée prochaine en fin de journée de nouveaux lots de randonneurs pas trop fatigués. L'effet conjugué de l'effort, des ressources physiques entamées, et de l'altitude produit comme un anesthésiant capable de rendre muet un touriste trop bavard. Cette plateforme devient aussi outre un point de repos et d'observation , un lieu de traitement médicalisé et fort rudimentiare pour ceux qui souffrent du fameux « Soroche » ou le mal des montagnes impitoyable en ce point du parcours. Devant cette épreuve même les plus imbus de leur personne qui n'ont pas voulu respecter certaines consignes de sagesse, courbent la tête.Divers remèdes chimiques offrent leurs molécules à absorber, mais une des meilleures recettes locales offre ses avantages et son efficacité dans ces contrées où les pharma cies sont plutôt rares. C'est le traditionnel « Maté » des indiens , une infusion des feuilles de coca prompte à combattre le mal d'altitude. Ceux qui n'ont pas voulu adopter des paliers d 'adaptation dans l'ascension seront souvent les premiers au sommet et les derniers à le ....quitter ! Cette halte est un lieu privilégié où tous le monde se fait tirer .....en photos à côté d'un des plus célèbres totems des Andes : Le poteau de bois signalétique support de 4 pictogrammes, langage universel favorable devant le défilé incessant de toutes les nationalités.
La descente s'annonce plus reposante pour le corps physique, mais beaaucoup moins pour l'esprit. Car le chemin étroit n'inspire pas l'entière confiance sur une pente raide, où l'empierrement est plus moins disloqué car sujet à davantage d'efforts mécaniques sous les foulées des randonneurs .En contrebas s'ouvre la plaie resserrée de la vallée encaissée du rio Pakay Mayu. Au détour plutôt étroit d'un passage surplombant le vide c'est le moment mal choisi pour un groupe de lamas, trés fier dans leur port élevé de tête, pour vous croiser ! On ne sait de quel cirque .....de montagne ces bestioles en liberté arrivent, mais leur réputation de cracheurs, non de feu, mais de pastilles gluantes force l'étranger à se garer vite fait en toute humilité !
Aprés 7 km de marche depuis le paso de Warmiwanuska où alternent descentes et montées pendant prés de 2 h éprouvantes sous la chaleur, le site du second bivouac est atteint à une altitude de 3600m .Une situation à mi pente du versant menant au second col à franchir demain celui de Runkurakay. La zône réservée au campement est beaucoup plus sauvage constituée d'une série de redans entaillant par ses multiples plateformes le vert mamelon. Les multiples couleurs des tentes déjà installées le font repérer de fort loin . Une concession à la vie moderne qui dénature un peu l'environnement sauvage avec la présence incongru d'un refuge en maçonnerie avec zône toilettes. Il est vrai que celà résoud un point crucial de la fréquence des passages et campements en réduisant les tentations de « pose culottes » sauvages aux alentours immédiats des Igloos exceptés les urgences prioritaires ....Les multiples tentes qui se pressent sur l'espace libre restreint font penser de part la succession d'étages à un H.L M de toiles.
Aprés un repas chaud et réparateur, c'est l'instant où devant l'ouverture des tentes des groupes se reconstituent pour refaire leur « marche » , quand d'autres s'isolent pour chercher un peu de calme à la réflexion et marquer sur le papier des feuillets d'un carnet de voyages impressions, souvenirs ou croquis pour les plus hardis. Et soudain un moment magique dans la pénombre qui descend, comme venu de nulle part quelques notes de musique cristalline s'égrennent. Pedro l'un des 2 cuistots à pris par le manche non pas sa poêle à frire mais sa chère guitare, et son compère a sorti de dessous son poncho sa flûte indienne. Instant sublime que cette interprétation d'un des standards mondiaux de la chanson : « The sounds of silence » ...( Titre qui m'avait marqué dès sa sortie lors de ma découverte de la Californie !)
La mélodie marque de son empreinte comme un fer rouge , le coeur qui semble battre à l'unisson la mesure lente d'une complainte née dans les Andes. A cet instant où la peau frissonne j'ai la sensation que l'environnement sauivage sensible aux vibrations mélodieuses se met au diapason de la musique. Le torrent qui au dessus du campement laisse pendre en cascade des écharpes d'écume sous le clair de lune semble soudain plus impétueux .....Certainement gonflé des larmes d'allégresse que Dame Nature a du laissé tomber !
A SUIVRE !